Articles de presse
LA REDUCTION EMBRYONNAIRE
ARTICLE: FAUT’IL REDUIRE LES GROSSESSES TRIPLES
Document tiré des compte-rendus d’une Journée organisée le Vendredi 30 Janvier 1998 à Colmar
par le Cercle d’Étude des Gynécologues Obstétriciens du Parc et transmis par Richard Kutnahorsky
Trouvé sur http://www.gyneweb.fr/
> pas très récent mais intéressant
L’incidence des grossesses multiples (3 ou plus) s’est accrue progressivement au cours des dix dernières années dans tous les pays industrialisés et témoigne, s’il en était nécessaire, de l’efficacité redoutable des thérapeutiques de la stérilité.
Ces grossesses multiples ont des conséquences néfastes liées aux complications de la prématurité, mais aussi à l’agression psychologique du couple qu’elles constituent.
Pour remédier à ces risques, la technique de la réduction embryonnaire s’est lentement installée dans les pratiques médicales acceptées et reconnues. Son objectif est de prévenir les complications des grossesses multiples. La technique est réputée sûre et efficace et les grossesses ainsi réduites (en grossesses gémellaires le plus souvent) ont à peu près le même pronostic que si elles avaient été gémellaires dès le début. La réduction embryonnaire, comme toute technique médicale, est cependant susceptible d’échouer, aboutissant à la perte complète de la grossesse avec les conséquences psychologiques dramatiques que cela peut comporter.
C’est donc la logique du “moindre mal” qui prévaut dans l’indication de la réduction embryonnaire, tant dans l’esprit des futurs parents que dans celui des médecins. Si le bénéfice de cette pratique pour les grossesses quadruples (et plus) est très clairement établi en terme de vies épargnées et de morbidités évitées, il n’en est pas de même pour les grossesses triples où il persiste une ambiguïté. Pour les grossesses triples, c’est l’argumentation familiale et sociale qui prend la première place dans l’indication d’une réduction embryonnaire.
La lourdeur psychologique de cette pratique et l’ampleur de ses conséquences affectives empêchent de la considérer comme une bonne solution et devraient pousser à plus de prudence dans la mise en œuvre des procédures qui peuvent entraîner une grossesse multiple. Même si cette technique est disponible et évite les choix et les risques antérieurs à son existence, le terme de prévention constitue le maître-mot. Les considérations bioéthiques qui entourent ce geste vont donc être analysées ici en abordant les mesures qui pourraient faire diminuer ce type d’intervention.
Histoire naturelle des grossesses triples
Une revue de 12 publications sur l’histoire naturelle de la grossesse triple montre sur 707 grossesses, un âge moyen d’accouchement de 33,5 semaines:
– 90% des enfants naissent avant 37 semaines,
– 24% naissent avant 32 semaines
– 8% naissent avant 28 semaines.
Le poids moyen de naissance est de 1800 g. La durée moyenne de séjour de la mère à l’hôpital est de 23 jours et la mortalité périnatale corrigée pour 1000 enfants de plus de 500 g est de 119 avec des extrêmes à 22 et 312.
En 25 ans, la fréquence des accouchements de grossesses multiples est passée de 0,9% à 1,3% pour les gémellaires, et de 0,9 à 3,7 pour 10 000 pour les grossesses triples. Un pic de fréquence pour les grossesses triples a été observé en 1989 à 4,5 pour 10 000 naissances. L’augmentation de l’âge des mères ainsi que l’apparition des traitements efficaces de la stérilité rendent compte de ces augmentations importantes.
Sur une série de 140 grossesses triples évolutives, seules 8 (5,7%) ont été conçues spontanément. Toutes les autres ont eu soit une induction d’ovulation soit une FIV. Sur les 106 femmes qui ont poursuivi leur grossesse sans réduction embryonnaire, 22 (20,7%) ont avorté avant 24 semaines. 34 patientes ont souhaité une réduction embryonnaire à 2 embryons et leur taux de perte fœtale avant 24 semaines a été de 8,7%.
Ces résultats montrent que le taux d’avortement spontané dans les grossesses triples, surtout après traitement de stérilité, peut être élevé et que la réduction embryonnaire peut diminuer le risque de perte fœtale chez ces patientes.
Grande prématurité et grossesses multiples:
Un des pourvoyeurs importants (et de surcroît le plus évitable) de la grande prématurité est constitué par les grossesses gémellaires et triples qui entraînent un risque 10 à 50 fois plus élevé de grande prématurité que les grossesses uniques. En 1993, 9208 accouchements de grossesses gémellaires et 269 accouchements de grossesses triples ont eu lieu en France.
On peut estimer que parmi les grands prématurés qui naissent annuellement en France (environ 4400), plus de 900 proviennent de grossesses gémellaires et 200 de grossesses triples ou plus. Les traitements de stérilité sont responsables respectivement de 230 (25% des grossesses gémellaires) et de 170 (75% des grossesses triples) de ces prématurés.
Au total, c’est donc environ 25% des grands prématurés qui proviennent des grossesses multiples.
En fécondation in vitro, le nombre d’embryons transférés conditionne le risque de grossesses multiples.
Les traitements de l’infertilité masculine sont associés à une élévation du risque de plus de 50%, en raison probablement de la plus grande fertilité féminine dans ces contextes. Le taux de fécondation élevé, l’indication de la FIV, le nombre d’embryons et l’âge de la mère sont tous des paramètres qui interagissent individuellement pour contribuer à l’initiation d’une grossesse multiple.
En ce qui concerne les stimulations hors FIV, leur nombre est mal connu et est estimé à partir de la vente des inducteurs de l’ovulation (2,4 millions d’ampoules d’hMG et/ou FSH par an). Ces stimulations qui concernent entre 30 000 et 50 000 femmes par an ne sont pas évaluées et un des objectifs prioritaires de santé publique consisterait à demander à chaque prescripteur de fournir un rapport annuel de cette activité (une sorte d’auto-évaluation) à l’instar de ce qui est demandé aux centres d’AMP.
Il n’est pas illusoire de penser qu’en France, il serait possible de diviser par 4 le nombre de grossesses triples dues à la stimulation de l’ovulation et réduire de 30% celui des grossesses gémellaires. Ceci permettrait de diviser par 2 le nombre de grands prématurés issus de ces pratiques médicales.
De même, l’accès possible à la réduction embryonnaire en cas de grossesse de rang supérieur à 2 est susceptible d’éviter 300 naissances de grands prématurés par an mais aussi des prématurés de moins de 31 semaines qui ont aussi leur contingent de morts périnatales, ou de handicaps séquellaires.
Pronostic de la grande prématurité
Le handicap cérébral, le retard mental, les convulsions chroniques, les complications digestives et la cécité sont les complications classiques de la prématurité et leurs fréquences sont d’autant plus élevées que la prématurité est grande. De plus, lors d’une naissance multiple, ce risque individuel est multiplié par le nombre d’enfants nés. Une famille peut fort bien voir survenir plusieurs handicaps pour chacun des enfants nés prématurément au terme d’une grossesse multiple.
Entre 28 et 32 semaines le taux de survie est voisin de 80% mais 15 à 20% sont menacés de séquelles neurologiques. Après 26 semaines d’âge gestationnel et un poids supérieur à 600 g, les chances de survie sans séquelle sont de plus de 50%. La grande et la très grande prématurité représentent 50% de la mortalité périnatale et occasionnent la moitié des séquelles motrices observées dans la petite enfance.
Deux études réalisées en 85 et 92 portant sur les naissances de 25 à 32 semaines montrent que le taux de survie global à 2 ans évolue de 75% à 83%. Les pourcentages de pathologies graves chez les survivants sont de 14% et 13% respectivement. Chez les nés vivants, le taux de survie sans handicap majeur est passé de 64% à 73%, le taux de survie avec handicap de 10% à 11%.
Les registres scandinaves de handicaps montrent une augmentation de la prévalence de la paralysie cérébrale à 0,24%, taux qu’elle atteignait il y a une quarantaine d’années. La paralysie cérébrale est inversement proportionnelle au nombre de semaines de gestation: 8% pour la prématurité extrême, 5,4% pour les grands prématurés, 0,8% pour la prématurité modérée et 0,14% pour les enfants nés à terme.
Les risques de la réduction embryonnaire:
La technique de réduction embryonnaire a été décrite en 1986 et elle fait désormais partie de l’arsenal thérapeutique de l’infertilité, bien que l’ensemble de ses conséquences soient encore en cours d’évaluation.
Le travail collaboratif international sur la réduction embryonnaire porte sur 750 patientes ayant eu une réduction à 2 embryons par voie transabdominale. 5,2% des enfants sont nés entre 25 et 28 semaines, 9,9% entre 29 et 32 semaines et 39,7% entre 33 et 36 semaines et 45,2% au delà de 37 semaines. Les résultats de la technique transvaginale sont identiques et on peut dire que dans toutes ces grandes séries, 84% des grossesses ont atteint un âge gestationnel = à 33 semaines à la naissance.
Le taux de fausses couches complètes après réduction embryonnaire est fonction de la technique utilisée, du nombre d’embryons initial et final et de l’expérience de l’opérateur. Le taux moyen retrouvé dans la littérature est de 8 à 9%. Il faut rappeler qu’on observe 27% d’avortement spontané avant 20 semaines dans les grossesses conçues en FIV. Bien qu’une partie des pertes fœtales après réduction embryonnaire soit liée à l’histoire naturelle des grossesses multiples, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un geste invasif qui, à ce titre, peut rendre compte de certains avortements. En effet, les pertes fœtales diminuent avec l’expérience des opérateurs dans les publications internationales sur ce sujet. Il est bien sûr impossible actuellement de chiffrer dans les pertes fœtales la part qui revient à la technique et celle qui revient au contexte.
Dans la série de réductions embryonnaires du Mount Sinaï Hospital portant sur 400 patientes, 368 ont accouché au-delà de 24 semaines. L’âge gestationnel moyen à la naissance a été de 35,4 semaines et 88% des patientes ont accouché au delà de 32 semaines. Sur les 179 patientes qui avaient des grossesses triples et qui ont eu une réduction à 2 ou à 1, l’âge gestationnel moyen à la naissance a été de 35,9 semaines, 102 (57%) ont accouché au-delà de 36 semaines, 63 (35%) entre 32 et 36 semaines, 10 (6%) entre 28 et 32 semaines, et 4 (2%) entre 24 et 28 semaines. Ces résultats d’âge gestationnel à la naissance sont meilleurs que ceux observés au cours de l’histoire naturelle des grossesses triples. Cependant, il n’est pas certain qu’ils se traduisent par une amélioration du pronostic néonatal.
La littérature internationale n’est pas riche en comparaison sur ce point. En effet, il y a 4 publications (dont 3 comportent un nombre suffisant de cas) qui comparent les pronostics néonatals des grossesses triples réduites versus abstention. Ces 3 publications montrent toutes une augmentation du poids de naissance et de l’âge gestationnel à la naissance pour les grossesses réduites. Deux de ces publications montrent une diminution des pertes totales de grossesses avant 24 semaines et les 3 montrent une diminution du nombre d’accouchements avant 32 semaines. Il y a une réduction de la mortalité périnatale, des complications respiratoires néonatales et des hémorragies intraventriculaires dans le groupe avec réduction embryonnaire.
Ces résultats montrent donc une légère réduction de la mortalité périnatale et de la morbidité périnatale immédiate, mais la modification des pronostics à long terme des survivants n’est pas prouvée. Ces résultats, bien qu’incomplets, peuvent fournir une base pour l’information des couples et constituent un argument pour continuer de proposer l’alternative de la réduction embryonnaire dans le cadre des grossesses triples.
Complications sociales et familiales des grossesses multiples
Les évaluations pronostiques ne sont pas les seules à prendre en compte, car les considérations familiales sur le vécu et les conséquences des grossesses triples sont indiscutables. Plusieurs études sur ce sujet montrent toutes qu’il est difficile pour une mère de satisfaire aux besoins souvent simultanés de 3 enfants. La relation mère-enfant se trouve souvent perturbée à la suite d’une telle naissance.
Les difficultés domestiques ont de réelles conséquences psychologiques qui aggravent les effets de la fatigue et du stress. Les aides maternelles et celle des pères sont généralement trop courtes.
A cela s’ajoute l’isolation sociale due aux difficultés matérielles de se déplacer qui est renforcée par les questions de l’entourage sur les raisons de cette grossesse multiple. Ceci accroît encore le “sentiment d’anomalie” souvent ressenti dans ce contexte.
L’exaspération, voire l’hostilité à l’égard de ces enfants est souvent décrite et elle est délétère pour la relation mère-enfant. Le fait de ne pas trouver de plaisir dans la relation avec les enfants se traduit souvent par une sorte de détachement.
Il faudrait trouver des solutions pour que la mère puisse passer du temps seule à seul avec chaque enfant sans pour autant que les autres ne se sentent frustrés. Le fait de ne pas se sentir heureuse et comblée après une grossesse si désirée provoque un sentiment de frustration et de culpabilité.
Le point le plus sensible est le sort de la relation conjugale qui est gravement mise a partie après un tel événement. Après avoir vécu de nombreuses années ensemble sans enfant, l’accroissement brutal de la famille est difficile à vivre pour le couple. Ceci est attesté par un nombre de divorces important dans l’année qui suit la naissance ainsi que par un fort pourcentage de patientes qui nécessitent un traitement psychothérapeutique dans l’année qui suit la naissance (25%).
Ceci rejoint des observations faites sur les mères de jumeaux qui signalaient un taux 3 fois plus élevé de dépressions, 5 ans après la naissance, par rapport à ce qu’on observe chez les mères d’enfant unique. Les mères elles-mêmes disent que leur situation ne peut être comprise de l’extérieur.
Considérations éthiques sur la réduction embryonnaire
Les considérations éthiques et les enjeux s’énoncent différemment selon que l’on considère les grossesses d’un rang supérieur à la grossesse triple, les grossesses triples ou les gémellaires:
1) La justification médicale pour les grossesses > 3 rejoint ce que Berkowitz appelle la “logique du canot de sauvetage” où on refuse légitimement de faire monter sur une embarcation surchargée des personnes supplémentaires si cet acte est susceptible de faire sombrer l’embarcation et d’augmenter les pertes en vies humaines. Dans le cas des grossesses multiples, ceci se traduit par le sacrifice de fœtus normaux pour augmenter les chances de survie et diminuer les risques de morbidité pour les survivants.
Malgré le rappel réitéré et renforcé d’une prévention médicale vigilante de ce type de complications, il restera toujours des accidents thérapeutiques qui ne sont pas tous évitables. C’est ce qu’on pourrait appeler l’aléa thérapeutique des traitements de stérilité. La possibilité pour le couple de recourir à une réduction embryonnaire dans ces situations doit être complète et donc l’information et la justification de la proposition thérapeutique font partie des règles de bonne pratique médicale.
Ne pas donner les informations à la patiente, eu égard aux risques nombreux encourus par la mère et par les enfants dans ce cadre des grossesses hyper-multiples, peut être considéré comme un manquement à l’obligation de moyen avec perte de chance en cas de complication due à la grossesse multiple.
2) L’argument qui légitime la réduction embryonnaire dans les grossesses gémellaires sur l’existence légale de l’IVG (faites-moi une “IVG partielle”) mérite qu’on se questionne sur ce que sont les différences entre IVG et réductions embryonnaires:
– Il ne s’agit pas, dans le cas de la réduction embryonnaire, d’une interruption de grossesse puisque la grossesse se poursuit mais différemment.
– Contrairement à l’IVG où la grossesse n’est pas désirée, ici la grossesse est désirée initialement, mais du fait du nombre de fœtus, la grossesse n’est plus souhaitée “sous cette forme”.
La demande ne se situe plus au niveau générique (qualitatif): “je ne peux pas accepter cette grossesse car je ne peux pas avoir d’enfants dans cette circonstance”. La demande se situe au niveau quantitatif, ce qui réifie les fœtus. “Alors que je désirais la grossesse, je ne désire plus cette grossesse en l’état car sa nature gémellaire me déplaît”.
Ce qui légitime habituellement l’intervention médicale est la découverte d’une pathologie préjudiciable soit à la mère soit aux enfants. La grossesse gémellaire ne rentre qu’exceptionnellement dans ce contexte médical (utérus malformé, mauvaise vascularisation utérine ayant généré des complications au cours d’une grossesse unique, antécédent de rupture utérine, etc.).
En effet, tout couple qui souhaite une grossesse s’expose, qu’il le veuille ou non, à un risque de gémellité de l’ordre de 1%. A la question de savoir si la grossesse gémellaire est une pathologie, la réponse est clairement négative dans plus de 99% des cas.
Bien que certaines familles puissent arguer du fait qu’une technique existe et qu’ils souhaitent en bénéficier pour avoir le nombre d’enfants correspondant à leur projet familial, la question qui est posée est de savoir si cette demande entre dans le cadre de l’activité médicale de soins et de prévention de la maladie ou dans un autre cadre plus cosmétique voire consumériste.
De plus, la démarche de réification de l’embryon dont on veut contrôler le nombre sans raison médicale “justifiante” déplace cette demande hors du champs médical mais aussi hors du champs de ce que les médecins peuvent accepter de faire, si tant est que leurs actes définissent, comme un vaste négatif de photographie, ce qu’est l’être humain.
Il est donc légitime de proposer, qu’en dehors d’une raison médicale indiscutable, ce type de geste ne soit pas réalisé dans les grossesses gémellaires. On ne peut pas comparer la détresse d’une femme qui ne souhaite pas une grossesse, et qui demande une IVG, quelle qu’en soit la raison, souvent inavouée d’ailleurs, et celle d’une femme qui est gênée par la nature gémellaire de la grossesse qu’elle a souhaitée.
La réduction embryonnaire dans une grossesse gémellaire est très proche, sur le plan des principes, de l’interruption médicale de grossesse. Car en fait, il s’agit bien d’une interruption médicale de grossesse qui, comme elle, ne peut se faire sans le consentement de la patiente, mais qui nécessite de plus l’accord du corps médical. Une évaluation soigneuse du risque médical de la grossesse gémellaire et du risque de perte totale de la grossesse doit alors être effectuée selon les règles habituelles de l’analyse des risques en médecine.
Il serait donc logique d’utiliser les mêmes structures décisionnelles d’expertise pour ces demandes de réduction embryonnaire et les centres pluridisciplinaires, institués pour encadrer la décision d’interruption médicale de grossesse, devraient être sollicités pour donner un avis sur ces demandes d’interruption partielle de grossesse gémellaire pour raison médicale.
Hors de l’indication médicale proprement dite, la réduction embryonnaire dans une grossesse gémellaire ne trouve aucune justification.
3) Les grossesses triples posent les problèmes éthiques les plus complexes. En effet, les effets sur la prématurité sont insuffisants pour démontrer un réel gain en terme de morbidité à distance. Bien que l’âge gestationnel à la naissance soit plus bas dans les grossesses triples, les différences sont trop faibles pour apparaître comme déterminantes. Le taux d’avortements spontanés avant 24 semaines doit également être pris en compte. En effectuant une balance des avantages et des inconvénients portant uniquement sur le nombre d’enfants en bonne santé selon que l’on réduit ou non la grossesse triple, on ne peut que rester indécis.
Seules les considérations familiales et sociales font apparaître des différences nettes entre grossesses gémellaires et grossesses triples et celles-ci ne peuvent pas être appréciées par le médecin.
En l’absence de réponse nette de la part du corps médical, il semble logique que la décision ne soit pas imposée, mais qu’une information aussi neutre que possible permette au couple de prendre sa décision avec un maximum d’autonomie.
Les principaux éléments de jugement sont les suivants:
– le risque de prématurité et le déroulement habituel d’une grossesse triple
– le risque d’avortement avant 24 semaines selon qu’une réduction est effectuée ou non
– le projet familial concernant l’ampleur souhaitée de la famille
– les problèmes matériels, psychologiques et conjugaux qui peuvent apparaître.
La réduction d’une grossesse triple, si elle est souhaitée par le couple, doit se faire vers une grossesse gémellaire et pas vers une grossesse unique et ce pour 2 raisons:
– les arguments éthiques développés plus haut concernant la réduction des grossesses gémellaires s’appliquent ici totalement
– la possibilité qu’après une réduction de 3 à 2, l’un des jumeaux décède quel que soit le stade de la grossesse (sans qu’il soit possible de dire s’il s’agit d’une évolution naturelle ou d’une complication de la réduction) suffit habituellement à convaincre le couple de la nécessité d’un geste réduit à l’invasivité minimale pour avoir plus de chance d’avoir au moins un enfant vivant en fin de grossesse et diminuer ainsi le risque d’avortement complet.
Conclusion
La réduction embryonnaire est un geste lourd de conséquences médicales, psychologiques et éthiques.
Les appels réitérés pour une prévention efficace des grossesses multiples pour l’ensemble des médecins qui manipulent les thérapeutiques de la stérilité ne feront pas disparaître cet aléa thérapeutique et il est donc impossible de remplacer la réflexion éthique sur ce geste par une moralisation fut-elle coercitive de l’induction d’ovulation.
Chaque médecin devrait cependant être tenu de rendre compte annuellement de l’usage qu’il a fait des gonadotrophines qu’il a prescrites et des résultats qu’il a obtenus (à l’instar des centres d’AMP). Ceci l’amènerait parfois à différer certains traitements chez des femmes fécondes mais pressées (en évitant cette “accélération du faire” qui est parfois demandée par les patientes) mais aussi à être plus prudent dans les posologies. On éviterait ainsi le “s’il y en a trop on réduira” qui place la réduction embryonnaire en position de thérapeutique complémentaire habituelle, comme une espèce de tribut à payer à l’efficacité et la rapidité dans l’obtention du résultat escompté.
L’inscription des réductions embryonnaires dans le cadre des IMG (avec obligation de passer par un centre pluridisciplinaire avant de réaliser le geste) compléterait habilement ce dispositif en remplaçant une coercition d’amont par une évaluation d’aval. Faire ressortir au grand jour le pourcentage de cas où on a eu besoin d’une réduction embryonnaire serait sûrement la stratégie la plus efficace pour obtenir que cette technique ne passe pas au rang des thérapeutiques ordinaires.
Mais lorsqu’une grossesse multiple survient tout de même, quelle qu’en soit la cause, la démarche médicale diffère radicalement selon qu’il s’agit d’une grossesse gémellaire, triple ou de rang supérieur. Si la réduction embryonnaire n’a aucune justification éthique dans le cadre des grossesses gémellaires (hormis les rares indications médicales où une grossesse simple est tolérable alors qu’une grossesse double ne l’est pas), elle doit en revanche être proposée aux grossesses quadruples (et plus) car le risque d’avoir un handicap majeur chez au moins un des enfants est considérable.
Les grossesses triples constituent le “passage à la limite” où tout est affaire de cas particulier. Aucune règle pré-établie n’est ici valable. L’information qui confère au couple la plus grande autonomie décisionnelle constitue le meilleur guide dans un domaine médical où les résultats ne fournissent aucune conclusion définitive. Il serait souhaitable, ici plus qu’ailleurs, que les options philosophiques personnelles des médecins passent au second plan, pour que le couple, déjà fortement éprouvé par la iatrogénèse ambiante puisse avoir une réelle autonomie de responsabilité et ne soit pas comme des marionnettes, discrètement mues par les fils invisibles du désir médical….
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ARTICLE: LA REDUCTION EMBRYONNAIRE, QU’EST CE QUE C’EST?
Trouvé sur http://www.parents.fr/
> pas de date trouvée
La réduction embryonnaire, qu’est-ce que c’est ?
Les complications des grossesses triples et surtout quadruples ou plus sont fréquentes, tant au niveau materno-fœtal que néonatal. Le côté médical n’est pas l’unique souci. Les grossesses multiples entraînent aussi des perturbations au sein de la famille, pas forcément préparée psychologiquement, socialement ou financièrement, à accueillir simultanément trois, quatre ou… six bébés. Pour parer à ces difficultés, une solution existe, la réduction embryonnaire. Cette technique médicale vise à ne laisser se développer dans l’utérus que deux fœtus maximum en éliminant les embryons surnuméraires. Le point sur cette méthode.
Isabelle Hallot
Merci aux Drs Frantz Bousquet et Grégory Akerman, gynécologues obstétriciens.
Quelles sont les grossesses concernées par la réduction embryonnaire ?
En dehors d’un problème médical grave chez la maman, les grossesses gémellaires ne sont pas concernées par la réduction embryonnaire. Cet acte médical est principalement proposé lorsque la grossesse comporte plus de trois embryons. Outre des complications maternelles plus fréquentes dans ces grossesses, c’est surtout le risque de grande prématurité qui prime dans la décision. Pour les grossesses triples, le problème est plus ambigu car les progrès de la médecine périnatale ont nettement amélioré le pronostic vital des triplés prématurés. Dans ce cas, ce sont davantage des arguments familiaux et psychosociaux qui déterminent l’indication du geste.
La réduction embryonnaire se pratique-t-elle fréquemment ?
La réduction embryonnaire est un geste médical qui reste rare en France et qui continue à diminuer depuis dix ans, grâce aux mesures prises par les centres pratiquant la procréation médicalement assistée (PMA). Le nombre d’embryons transférés après une fécondation in vitro est désormais de deux, ce qui permet de limiter la survenue de grossesses multiples supérieures à trois. De même, après une stimulation de l’ovulation, les dosages hormonaux et les échographies pratiqués régulièrement empêchent l’apparition d’un nombre excessif de follicules. Malheureusement, de temps en temps, la nature prend le dessus, et trois, voire quatre embryons se développent, mettant alors parents et équipe obstétricale devant une difficile décision.
Quelle technique utilise-t-on ?
L’attitude la plus répandue consiste à ramener le nombre d’embryons à deux. Selon l’âge de la grossesse, deux méthodes sont pratiquées, toujours guidées par une échographie. La plus fréquente consiste à passer par voie abdominale maternelle (un peu comme lors d’une amniocentèse) vers 11 semaines d’aménorrhée (SA). Une aiguille est introduite jusqu’au thorax d’un (ou des) embryon(s) puis des produits sont injectés d’abord pour endormir l’embryon, puis pour stopper l’activité cardiaque. Rassurez-vous, les embryons ne souffrent pas, car le cœur cesse de battre en quelques secondes. Les embryons ne sont pas choisis au hasard mais sur différents critères. Les plus rares, comme l’existence d’une malformation ou la suspicion d’une anomalie chromosomique permettent une première sélection. Le médecin regarde ensuite attentivement le nombre de placentas et de poches des eaux. Enfin, il « choisit » les embryons selon leur accessibilité et leur position par rapport au col de l’utérus.
La seconde technique, moins utilisée, passe par voie transvaginale et se déroule aux environs de 8 SA.
En pratique, comment l’intervention se passe-t-elle pour la future maman ?
Pas de longue hospitalisation, puisque la réduction a lieu en hôpital de jour. Vous n’avez pas besoin d’être à jeun car aucune anesthésie n’est nécessaire. Soyez rassurée, l’aiguille utilisée est très fine et vous ne sentirez qu’une toute petite piqûre, pas plus désagréable que celle d’un moustique. Le geste proprement dit est toujours précédé d’une échographie approfondie qui permet le repérage des embryons. La durée de l’acte est variable. Elle dépend des conditions techniques (nombre, position des embryons…), de la patiente (morphologie, ressenti…) et de l’expérience de l’opérateur. Pour éviter une infection, un traitement antibiotique est indispensable. L’utérus, quant à lui, est mis au repos grâce à des antispasmodiques. Une fois le geste réalisé, la patiente reste sous surveillance une heure avant de pouvoir rentrer chez elle. Vingt-quatre heures plus tard, une échographie de contrôle est pratiquée pour vérifier la vitalité des jumeaux conservés et l’absence d’activité cardiaque des embryons réduits.
La réduction embryonnaire présente-elle des risques ?
La principale complication d’une réduction embryonnaire est la fausse couche spontanée (dans environ 4 % des cas avec la technique la plus utilisée). Généralement, elle survient après une infection au niveau du placenta (chorioamniotite) quelque temps après le geste. Heureusement pour la majorité des futures mamans, la grossesse se poursuit normalement. Toutefois, les statistiques montrent que la prématurité est plus importante que dans les grossesses simples ou gémellaires spontanées, c’est pourquoi les mamans doivent davantage se reposer et sont arrêtées toute la grossesse.
Quid du côté psy ?
L’impact psychologique d’un tel geste est important. La réduction est souvent vécue comme une expérience traumatisante et douloureuse par le couple et celui-ci a besoin du soutien de toute l’équipe pour y faire face. Les parents éprouvent des sentiments contradictoires, principalement dus au fait que la réduction survient le plus souvent après un traitement d’infertilité. Le soulagement d’avoir une grossesse à risque moindre cède souvent la place à la culpabilité d’avoir dû se séparer d’embryons non malades. Pour les futures mamans, porter à la fois ces embryons « morts » et des fœtus vivants peut aussi être difficile à assumer.
La réduction embryonnaire est-elle régie par la loi ?
Aucune loi n’encadre encore la réduction embryonnaire. Ses motifs sont différents de ceux d’une interruption volontaire de grossesse « classique », mais elle intervient dans les mêmes délais que ceux autorisés par la loi sur l’IVG. Ainsi, elle ne nécessite pas de procédure spécifique. Cependant, comme avant tout acte médical, le couple reçoit une information détaillée sur la technique et bénéficie d’un délai de réflexion avant de donner son consentement écrit. La réduction est en général proposée aux parents, mais elle est aussi parfois demandée par des couples déjà parents qui ne se sentent pas prêts par exemple à assumer une grossesse triple. Cependant, toutes les grossesses multiples (> 3) ne sont pas réduites car un certain nombre de parents (50 % environ) préfèrent les laisser évoluer spontanément.
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